Voilà la situation « ubuesque » et quelque peu frustrante au premier abord dans laquelle peuvent se trouver de nos jours des chefs de projet. Quelle en est l’explication ?
Des chefs de projet il y en a dans tous les domaines : chef de projet formation, chef de projet informatique, chef de projet marketing, chef de projet recherche et développement…Cette appellation désigne communément une fonction spécialiste de la conduite de projet dans une discipline particulière : le chef de projet formation sait réaliser les différentes étapes d’un projet de formation, de l’expression des besoins au déploiement. Il connaît les techniques d’ingénierie pédagogique et sait adapter les modalités pédagogiques aux objectifs pédagogiques. Il maîtrise d’ailleurs toute la terminologie (le jargon) et les concepts liés à sa spécialité. Le chef de projet informatique saura lui traduire les besoins fonctionnels des utilisateurs en solution informatique. En général, cette appellation apparaît sur la fiche de poste permanente de la personne titulaire.
Or, aujourd’hui, il n’est pas garanti que ces chefs de projet, experts dans un domaine se voient attribuer le rôle temporaire de responsable de projet, chef d’orchestre d’un projet global, garant à la fois du bon déroulement d’un projet mais aussi du bon fonctionnement en mode projet de tous les acteurs du projet. (voir chapitre 6, Manager par projets). Cela pour plusieurs raisons :
– pour un projet de changement, l’entreprise préfère confier le management d’un projet à des collaborateurs jouant déjà un rôle de manager et ceci afin d’accroître les chances d’appropriation du projet par les structures permanentes concernées. Si le chef de projet est le représentant d’une technique (ex : chef de projet informatique), les utilisateurs peuvent ne pas se sentir responsabilisés sur l’aboutissement du projet, qui peut rester à leurs yeux une affaire d’informaticiens.
– les chefs de projet « techniques » ne sont pas encore toujours préparés et formés à endosser le costume de responsable de projet, devant exercer leur leadership sans lien hiérarchique, avec des équipiers qui quelquefois se trouvent à un niveau hiérarchique supérieur dans l’organisation verticale de l’entreprise. Mettons nous à la place du chef de projet informatique, qui le temps d’un projet, devient en quelque sorte le chef d’un cadre du marketing, d’un expert Ressources Humaines et d’un gestionnaire, si l’équipe projet est constituée de ces profils. Il s’agit alors de relever un véritable défi : ne plus se comporter en expert d’une discipline qui n’est qu’une parmi toutes les disciplines sollicitées sur un projet transversal, ni en homme-orchestre, mais en véritable coordinateur et animateur d’équipe. Sans compter les interactions et les liens à entretenir avec les décideurs et autres parties prenantes d’un projet.
C’est pourquoi, les entreprises qui s’engagent volontairement dans le développement de la culture et une organisation par projets, considèrent comme une priorité la formation des chefs de projet, non plus sur les aspects techniques d’un projet, mais sur les aspects managériaux et comportementaux : animer une équipe, exercer son leadership, savoir négocier, savoir animer des réunions, savoir maîtriser sa communication, savoir gérer des conflits…Toutes ces compétences transversales qui permettent à un chef de projet de gagner sa légitimité. De plus des formations sont également organisées à destination de tous les collaborateurs pour expliciter les fondements du fonctionnement en mode projet et les accompagner dans cette forme de coopération étendue.
Elizabeth Gauthier